Existential travel diary...

Chapitre VI

07/09/2009 13:35

    Palestine, le  17 mai

    J’ai quitté ma chambre d’hôtel ce matin très tôt. Je dois traverser la moitié du pays pour arriver chez Mema. J’ai dépassé Ramleh il y a environ une demie heure déjà, et j’arrive en vue d’Al Khalil. Seule une centaine de kilomètres à vol d’oiseau sépare ces deux villes, et pourtant nous avons mis près de trois heures pour couvrir la distance ; le car a été « contrôlé » environ tous les vingt kilomètres, et nous nous sommes arrêtés une heure à Ramleh pour laisser descendre des passagers et en accueillir d’autres.

    Il n’y a que des Palestiniens dans le véhicule, pour la plupart des hommes qui semblent aller travailler dans d’autres villes. L’un d’entre eux est accompagné d’une vieille dame, peut-être sa mère, ou sa grand-mère, qui n’a pas cessé de me sourire depuis qu’ils sont montés dans le car à Ramleh.

    Je sors mon appareil et regarde les photos que j’ai prises depuis mon arrivée à Jaffa. Comment mes parents ont-ils pu renoncer à tout ça ? Peut-être aurais-je fais exactement la même chose à leur place. Mes parents n’ont plus jamais vu la couleur de leur Terre depuis qu’ils l’ont quittée à la mort de mes grands-parents maternels. Ils étaient là au mauvais endroit, au mauvais moment, alors que des coups de feu étaient échangés entre soldats israéliens et jeunes révoltés palestiniens dans les rues d’Al Khalil. Je n’avais jamais senti son parfum avant ce jour au port. Jamais. Et ce que je vois ne fais que grandir cette chose en moi qui me pousse à aller plus loin, alimenter mon amour et ma détermination.

    Je souris devant la photo d’une fillette que j’ai rencontrée alors qu’elle rentrait de l’école avec son petit frère, à Ramleh. Ils sont splendides. Mais quel avenir les attend ?

    Le car entre enfin dans la ville, et une pancarte sur laquelle est écrit « Hebron », transcrit en arabe par Al Khalil, nous accueille. Je place mon appareil photo devant mon œil, et regarde ce monde à travers. Les clichés se succèdent comme autant de clignements d’yeux, et toujours, où que le regard de l’objectif se pose, se dresse fièrement le keffieh noir et blanc.

    Nous descendons tous à la gare routière. Je fais quelques pas dans la ville de mes grands parents maternels, et sens monter en moi une vive émotion. Je m’apprête à me diriger vers un commerce, lorsque j’entends quelqu’un me héler. Je me retourne et vois la femme du car venir vers moi, son grand sourire aux lèvres.

    -                 Salam alayki ma fille !

    -                 Wa alayki salam, lui réponds-je en lui retournant son sourire.

    -                 Je… tu dois me prendre pour une folle, mais j’ai connu une jeune fille autrefois, il doit y avoir cinquante ans de cela, elle s’appelait Najwa ; tu lui ressembles tellement !

    Je me suis sentie terriblement émue.

    -                 Nous étions voisins, continue-t-elle le regard perdu dans le vague. Elle nous a quittés avec sa sœur, quand ses parents moururent, dans les rues de cette ville…

    -                 Je… je suis la fille de Najwa.

    Elle me regarde bouche bée, dans un mélange de stupéfaction et d’incompréhension.

    -                 La fille de Najwa ? me demande-t-elle en me prenant par le bras. Najwa Marghouti ?

    J’acquiesce en hochant de la tête, mes yeux se remplissant de larmes à mesure que mon cœur se remplit de joie. La vieille dame me prend dans ses bras et se met à pleurer.

    -                 Ma petite chérie, comme vous nous avez manqués ! Viens, viens avec moi, nous avons tellement de choses à nous dire !

    Elle prend mon visage entre ses mains fripées et me caresse les joues.

    -                 Comme tu es belle, un vrai soleil ! Allons, viens. Hisham, dit-elle à l’attention de l’homme qui l’accompagne, c’est la fille de Najwa et Ahmad, tu te rends compte ? C’est un jour béni !

    Hisham me salue en souriant, et nous prenons tous les trois un taxi. Je ne les connais pas, et pourtant je les aime déjà, car je sais qu’ils font partie de ma vie, de mon histoire. Nous nous enfonçons dans la ville, au milieu de sa population, de ses rues animées, ses échoppes bariolées, ses murs couverts des photos de ses enfants morts en martyrs. Je sors mon appareil photo et fige sur une image ces scènes hors du commun. Sur la porte d’un garage, on peut lire, écrit à la peinture noire, « Raj’een liki ya Filastine » ; « Nous te reviendrons ô Palestine ». Comme une ultime promesse, à qui veut l’entendre, y croire.

Tamponnez votre passeport... :)

Date: 07/09/2009

Par: hamid boss

Sujet: manar ya manar

ah ! fratérnité, patriotisme quand tu nous tiens. Il y a de l'épopée dans le monde de manar. C'est très élégant tout ça :)

Date: 07/09/2009

Par: Imane

Sujet: Re: manar ya manar

Y'a que ça de vrai ;)

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