Existential travel diary...

Chapitre II

11/08/2009 23:19

    France, le 15 mai

    Je dois lui écrire, pour le rassurer, lui dire que mon voyage ne se passe pas trop mal. Les quelques personnes autour de moi dorment encore, moi je regarde le soleil se lever. Comme notre chambre doit être lumineuse en ce moment. Je me demande s'il dort encore, paisible, les rayons dorés jouant sur ses cheveux.

    Il ne doit pas m'en vouloir. Je le fais pour lui, pour moi, pour ces gens là bas, pour les enfants que nous n'avons pas encore, et pour un autre lot de raisons tout aussi vitales.

    Pourtant j'ai le cœur serré. Le train m'éloigne petit à petit de lui, et je ne le reverrai peut-être plus jamais. J'ai peur. Les paysages défilent et se ressemblent, bientôt on ne verra plus une fleur, il n'y aura plus d'arbre debout, ni de vergers. Bientôt la terre sera brûlée, étouffée, il n'y aura plus rien. Non, je ne dois pas avoir peur. Chacun a un rôle à jouer. Et le mien est important. Je ne dois pas fléchir.

    Pense à moi Yazid, ne m'oublie jamais dans tes prières. J'en ai tellement besoin.

    Nous sommes très peu à prendre le train dans cette direction. En général, lorsque les gens le peuvent, ils le prennent dans la direction opposée. C'est triste.

    Mama sera fâchée. Elle n'a jamais approuvé ce que je fais. Trop de risques, d'insouciance, de folie même selon elle. S'il faut être fou pour y aller, alors oui, je suis folle. Mais en vérité, c'est parce qu'elle sait qu'un jour, ça me tuera. Ce genre de chose finit toujours par prendre le dessus. Elle en a vu des familles détruites, des foyers en deuil. Mais c'est un mal nécessaire. C'est la seule manière d'y arriver.

    Mon Dieu, je t'en prie, ne m'abandonne jamais, j'ai besoin de Toi plus que jamais.

    Le train s'arrête, alors qu'au loin on commence à apercevoir les reflets bleutés de la mer. C'est presque apaisant. Je prépare mes papiers et ramasse mes affaires, puis je me range derrière les autres passagers qui attendent que les portes s'ouvrent pour pouvoir descendre.

    Je mets pied à terre et embrasse du regard le tableau qui s'offre à moi. Juste derrière le grillage entourant la gare se trouve l'embarcadère. Des hommes en armes sont postés partout où l'œil se pose. Je les dévisage, comme pour ancrer les images dans mon esprit. Je ne dois rien oublier. Rien ne doit être oublié, jamais.

    A la sortie de la gare, nous passons le premier poste de garde. Dix hommes y fouillent les sacs et les personnes. L'un d'eux s'approche de moi et j'ouvre mes bagages, mais il ne bouge pas. Ses yeux, rivés sur moi, sont d'un gris d'acier. Je ne baisse pas le regard. Je ne tremble pas. Je n'en ai pas le droit. Il me fait un signe du menton.

    -               Ton foulard.

    -               Qu'a-t-il? je réponds.

    -               Retire-le.

    -               Non.

    Il me dévisage, surpris, et se tourne ensuite vers un autre homme, non loin de là, qui s'approche à son tour. Je commence à sentir mon cœur battre de plus en plus vite.

    -               Elle ne veut pas l'enlever, lui dit-t-il.

    Le deuxième homme se penche sur mon sac, puis se tourne vers moi.

    -               Pourquoi tu ne veux pas l'enlever?

    -               Pourquoi voulez-vous que je l'enlève? Fouillez-moi.

    Il m'attrape la main gauche et l'examine.

    -               Tu es mariée.

    Je retire ma main et me baisse pour attraper mon sac et le vider à leurs pieds. J'ouvre ensuite le sac de mon appareil photo et le dépose à côté du reste. Le premier homme tend le bras et touche ma tête. Puis sa main descend vers mon cou, et en fait le tour, lentement. Il s'apprête à continuer quand un troisième homme, qui semble être leur supérieur, lui demande de s'arrêter là. Il m'adresse un petit sourire et s'éloigne avec l'autre soldat.

    Je ramasse mes affaires et les range dans mon sac, puis je passe le poste de garde en regardant droit devant moi. Les personnes qui étaient avec moi dans le train me suivent du regard, avec une lueur étrange dans les yeux.

    Nous nous dirigeons ensuite vers une sorte de salle d'attente, en attendant que le prochain bateau pour l'Autre Côté arrive. Je m'assieds sur mon sac, aucun banc n'étant mis à disposition. Mon cœur se desserre et je sens mes mains se mettre à trembler doucement. Je croise les bras et respire profondément. Je ne dois pas avoir peur.

    Une femme me regarde, à quelques mètres de moi, son enfant de douze ans environ assis près d'elle. Lorsque mon regard croise le sien, elle me sourit. Je lui rends son sourire et me sens un peu plus libérée. Je ferme les yeux et pense à Yazid. C'est le seul monde où je me sens en sécurité. Le seul.

Tamponnez votre passeport... ;)

Date: 12/08/2009

Par: Ahmed

Sujet: douane

Très belle description, détails, sentiments, rien ne manque.

Mais elle va où Manar !!!! ???

Date: 12/08/2009

Par: Imane

Sujet: Re: douane

Tu verras, un peu de patience...

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